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Exercice et circulation sanguine (Dossier n°2)

Exercice et circulation sanguine (Dossier n°2)

Dossier rédigé par le Pr Philippe Connes • Inserm UMR 1134 Biologie intégrée du globule rouge, université des Antilles et de la Guyane, hôpital Ricou, CHU de Pointe-à-Pitre, Guadeloupe • Laboratoire d’Excellence GR-Ex The red cell: from genesis to death, PRES Sorbonne Paris Cité, Paris • Institut universitaire de France, Paris

SOMMAIRE "exercice et circulation sanguine"

Seconde partie
2 Agrégation plaquettaire et exercice
3 Coagulation, fibrinolyse et exercice
Première partie (> Lire l'article)
1 Rhéologie du sang et exercice

Mots-clés :
Sang, Rhéologie, Agrégation plaquettaire, Coagulation, Fibrinolyse, Exercice, Sport

Introduction cardio&sport

Un dossier sur exercice et circulation sanguine ? Diable ! Quelle mouche a piqué le comité de rédaction de Cardio&sport ? Les cardiologues ont pendant très (trop) longtemps considéré que seul le coeur, l’organe noble, jouait un rôle dans la circulation sanguine. Puis nous avons pris conscience que les vaisseaux n’étaient pas de simples tuyaux rigides qui conduisaient le sang aux organes. L’importance de la vasomotricité et de son rôle majeur dans la répartition sanguine adaptée aux besoins des organes s’est progressivement imposée à nous. Après avoir réhabilité le contenant, voici que l’impact du contenu – le sang, ce fluide complexe – sur la qualité de la circulation sanguine prend toute son importance. Lors de l’exercice, le sang est soumis à de fortes contraintes internes (hémodynamiques, hormonales…) et externes (environnement) à l’organisme qui peuvent expliquer la survenue de certains incidents, en particulier chez les sujets à risque cardiovasculaire. Pourtant, à notre connaissance, ce sujet est très peu abordé. Nous avons la chance que le Pr Philippe Connes, un des physiologistes qui connaît le mieux l’hémorhéologie (l’écoulement du sang), l’agrégation et la coagulation à l’exercice, ait accepté de nous concocter ce dossier. Profitons-en !

Ce dossier comprend deux parties : hémorhéologie lors de l’exercice, parue dans le précédent numéro de votre revue, et agrégation, coagulation et fibrinolyse à l’exercice, abordées dans ce numéro.
Pr François Carré (hôpital Pontchaillou, Rennes)

 

Agrégation plaquettaire et exercice

Rappels
Il existe deux mécanismes impliqués dans la coagulation : • celui impliquant la transformation du fibrinogène en fibrine ; • celui impliquant l’activation, l’adhérence et l’agrégation plaquettaire (Fig. 1).
Le processus de coagulation est également renforcé par la formation de fibrine. L’agrégation plaquettaire est très impliquée dans les processus de coagulation survenant dans les zones où les vitesses de cisaillement sont élevées.

Exercice et recrutement plaquettaire
Au cours d’un effort, on assiste généralement à une augmentation du nombre de plaquettes circulantes (1). Cette augmentation a été attribuée à la libération accrue des plaquettes provenant de la rate et de la circulation pulmonaire (2), probablement en relation avec le stress adrénergique de l’exercice. Il a été montré que l’infusion d’adrénaline causait une contraction de la rate qui libérait une partie importante des plaquettes stockées (3).

Exercice aigu et activation/ agrégation plaquettaire
Chez l’individu sain, les travaux se focalisant sur les phénomènes  d’activation plaquettaire à l’effort sont relativement contradictoires. Par exemple, l’activation plaquettaire (mesurée par la quantité de P-sélectine soluble) est accrue après un effort chez des individus sédentaires mais pas chez des sportifs entraînés (4). Après un triathlon, il a été rapporté une augmentation du niveau de P-sélectine (5) qui persistait durant les deux premières heures post-effort. Tripette et al. (6) ont observé une augmentation des niveaux de P-sélectine soluble au cours d’un exercice intense de 30 minutes chez des sportifs porteurs du trait drépanocytaire mais pas chez des sportifs sans anomalies de l’hémoglobine. Les contraintes de cisaillement augmentant avec le débit sanguin à l’effort sont probablement à l’origine de l’activation plaquettaire mais il semblerait que ce processus soit plus ou moins dépendant de la population étudiée. L’accumulation d’acide lactique dans le sang et provenant des muscles actifs pourrait également jouer un rôle dans l’activation des plaquettes (7). Il semblerait que les efforts de résistance (musculation) puissent activer les plaquettes plus facilement que les efforts d’endurance et ce, quelle que soit la population étudiée (8).
L’activation plaquettaire au cours d’un effort physique dépend de plusieurs facteurs : son intensité, sa durée et l’aptitude physique de l’individu. Mais globalement, il semblerait que plus l’exercice est intense, plus les plaquettes sont activées et s’agrègent (9).

Chez les patients coronariens, en revanche, la réalisation d’un effort stimule quasi systématiquement les plaquettes conduisant à une hyperagrégation plaquettaire 9). Il a d’ailleurs été suggéré que cette hyperagrégation plaquettaire pourrait participer à la survenue d’accidents cardiovasculaires (8). L’administration d’aspirine ne semble pas prévenir l’activation et l’agrégation plaquettaire causées par un effort, que ce soit chez les sujets sains ou chez des patients avec une pathologie cardiovasculaire (10, 11). Les mécanismes d’activation plaquettaire au cours de l’effort chez les patients avec des désordres cardiovasculaires pourraient être liés à la présence d’une vasculopathie chronique marquée par un dysfonctionnement endothélial caractérisé, entre autres, par une perte d’efficacité des mécanismes de protection de l’endothélium vis-à-vis de l’activation plaquettaire (8). Par ailleurs, la présence d’un environnement pro-oxydatif et pro-inflammatoire dans les pathologies cardiovasculaires, associé à une diminution de la biodisponibilité/ bioactivité du NO, est susceptible de participer à la majoration de l’activation plaquettaire survenant à l’effort. Enfin, chez les patients insuffisants cardiaques dont le risque de thrombose est souvent accru, la réalisation d’un exercice conduisait à une augmentation de la concentration plasmatique en fibrinogène, de la viscosité plasmatique et de l’hématocrite : trois facteurs susceptibles de majorer encore le risque d’accidents thrombotiques (12).

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