Un article des docteurs Rémy Pillière et Benoît Gérardin, revue Cardio&Sport N°45.
Considéré pendant longtemps comme un marqueur de la maladie coronaire, un taux de troponine élevé s’explique pourtant aussi par d’autres causes, en particulier la pratique sportive. Et cette augmentation ne serait pas néfaste. Dès lors, se pose la question de l’utilité du dosage des troponines chez les sportifs.
Dr Rémy Pillière, Dr Benoît Gérardin
INTRODUCTION
Le dosage de la troponine est utilisé en pratique clinique depuis 25 ans. Bien qu’annoncé comme un marqueur très spécifique et sensible de la maladie coronaire, de nombreuses autres causes d’augmentation de cette protéine ont rapidement été décrites, en particulier à l’occasion de différentes pratiques sportives. Depuis, parallèlement aux nombreuses évolutions techniques du dosage et des définitions du “seuil de positivité” des troponines, plusieurs études ont confirmé cette observation.
L’explication de ce phénomène demeure mal connue, son interprétation est sujette à bien des spéculations et les conséquences pratiques restent floues. Mais le doute s’est installé et une élévation de la troponine chez le sportif a une connotation négative pour beaucoup.
Pour clarifier le problème, nous tenterons de répondre aux trois questions qui reviennent de façon récurrente :
1. Y a-t-il un danger immédiat pour le sportif ?
2. Y a-t-il un danger à long terme ? L’élévation de la troponine ne traduit- elle pas des “micro-nécroses” des myocytes avec un risque d’évolution ultérieure néfaste (cardiopathies dilatées…) ?
3. L’élévation de la troponine traduitelle l’existence d’une maladie coronaire latente ? En préambule, il est indispensable de rappeler le risque d’accident cardiaque chez le sportif et de résumer les données de base sur la troponine.
RISQUE D’ACCIDENT CARDIAQUE ET PRATIQUE SPORTIVE
INCIDENCE
Il est largement démontré que l’activité physique améliore la qualité de vie et la longévité (1, 2). Toutefois, lors d’exercices physiques intenses ou prolongés, un surrisque transitoire d’accident cardiaque est constaté. Ce surrisque, fréquemment surestimé, car souvent média- tisé, est en fait extrêmement faible.
Par exemple, le risque d’accident cardiaque menaçant le pronostic vital est compris entre 1 et 3 accidents pour 100 000 participants dans les courses de longue distance (semimarathons, marathons…) (3-8). En France, on estime entre 800 et 1 000 le nombre de morts subites non traumatiques liées à l’activité sportive par an (soit 1,2 à 1,5 /100 000 habitants), dont approximativement 80 % sont de cause cardiovasculaire à comparer aux 40 000 morts subites non traumatiques extrahospitalières (soit 62,5 /100 000 habitants).
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