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Bilan génétique

Bilan génétique

Quelle place en cardiologie du sport ?

Introduction

Les maladies cardiovasculaires héréditaires constituent les principales causes de mort subite chez le jeune sportif. Elles constituent une cible importante des programmes de prévention des accidents rythmiques chez le sportif, en particulier avant 35 à 40 ans. La prévention repose d’une part, sur la restriction raisonnée des activités sportives chez le patient avec maladie cardiaque héréditaire identifiée. De plus en plus, le test génétique identifie des apparentés à un stade très précoce de leur maladie, avec un bilan cardiaque encore normal ou peu perturbé, amenant à une discussion au cas par cas. La prévention repose, d’autre part, sur le dépistage de ces maladies héréditaires lors de la visite de non contre-indication. Le test génétique peut constituer une aide utile dans le bilan complémentaire sollicité lors d’anomalies cardiologiques, et le test sera ciblé ou non selon le contexte familial.
Pr Philippe Charron

 

PLACE DES MALADIES CARDIOVASCULAIRES GÉNÉTIQUES DANS LA MORT SUBITE DU SUJET JEUNE

La plus grande série de morts subites cardiaques chez des athlètes de moins de 40 ans, regroupant 1 866 cas chez des athlètes américains dont 690 avec maladie cardiovasculaire documentée (1), retrouve comme cause principale la cardiomyopathie hypertrophique (36 % des causes) (Fig. 1) et d’autres maladies comme la cardiomyopathie/ dysplasie ventriculaire droite arythmogène, la cardiomyopathie dilatée, la dissection aortique – autant de maladies qui relèvent principalement du groupe des maladies génétiques mendéliennes. Dans des séries plus récentes et portant sur des effectifs beaucoup plus restreints, la part des morts subites restant inexpliquées à l’autopsie apparaît plus importante qu’auparavant, mais le groupe des maladies cardiovasculaires héréditaires reste majeur (2). De plus, le diagnostic était fait, dans ces séries, essentiellement grâce aux autopsies, et la place des maladies rythmiques pures comme le syndrome du QT long ou la tachycardie ventriculaire catécholergique, autres maladies mendéliennes, est vraisemblablement très sous-estimée. Le test génétique post mortem est de plus en plus réalisé pour prolonger l’autopsie conventionnelle, avec la possibilité de recourir à l’analyse d’un large panel de gènes par séquençage haut débit. Les dernières recommandations de la société européenne de cardiologie (ESC) sur la prise en charge des troubles du rythme et de la mort subite (ESC 2015) préconisent d’ailleurs le test génétique post mortem en cas de mort subite inexpliquée (3).

LE TEST GÉNÉTIQUE EN PRATIQUE

Le test génétique est large ou ciblé selon le contexte familial et le fait qu’une mutation soit déjà identifiée ou non au sein de la famille. En l’absence de mutation identifiée au sein de la famille, l’analyse génétique est réalisée chez le cas-index (patient avec maladie cardiaque diagnostiquée) et porte sur les différents gènes possiblement impliqués dans la maladie (Tab. 1). Lorsque la mutation est identifiée au sein de la famille, le test génétique peut être réalisé chez les apparentés et l’analyse est cette foisci ciblée puisqu’elle porte spécifiquement sur la mutation familiale avec une réponse rapide et binaire (présence ou absence de cette mutation). Dans les deux situations, la prescription est faite par un clinicien ayant une expertise spécifique, y compris de l’encadrement médicolégal, au mieux au sein des centres de référence et de compétence (Encadré 1). Dans le cas d’une analyse ciblée, l’analyse se fait par séquençage conventionnel (dit “Sanger”), alors que l’analyse large chez le cas-index se fait maintenant par séquençage “haut débit” ou “NGS” (next generation sequencing) qui permet l’analyse simultanée d’un grand nombre de gènes, dans le cadre d’un panel de gènes habituellement impliqués dans cette pathologie (par exemple les cinq à dix principaux) ou dans un groupe de gènes impliqués dans des pathologies voisines (par exemple 40 à 50 gènes dans les cardiomyopathies). Le recours à un très large panel (50 à 150 gènes) n’est pas forcément plus utile, car il expose à des problèmes d’interprétation parfois majeurs (4).

LE SPORT AUTORISÉ OU RESTREINT CHEZ LE PATIENT AVEC MUTATION

La mise en évidence d’une forme cardiaque avérée (avec critères diagnostiques cardiaques conventionnels) de maladie génétique conduit à l’arrêt de la pratique sportive de compétition (5, 6) et à une restriction importante de l’activité de loisir. La pratique en compétition de certains sports de type IA (selon la classification de Mitchell) est cependant autorisée, à condition que la pathologie soit associée à un risque rythmique faible (5, 6). La place du test génétique est ici modeste pour la décision d’autoriser ou non la pratique sportive. Dans certains cas cependant, la stratification pronostique peut bénéficier de l’information génétique. La nature du gène ou de la mutation peut en effet rendre compte, au moins en partie, de la variabilité du phénotype, notamment du risque de complications. Le test moléculaire peut ainsi permettre de mieux stratifier le pronostic des patients, en aidant à identifier les sous-groupes à haut risque et bas risque, comme dans la cardiomyopathie hypertrophique avec le gène de la troponine T et le gène de la protéine C cardiaque, respectivement. Dans la cardiomyopathie dilatée (CMD), les porteurs de mutation du gène des lamines A/C ont un risque particulier d’arythmies ventriculaires et aussi de troubles conductifs sévères. Dans le syndrome du QT long, les mutations affectant le pore des canaux ioniques de type potassique ou sodique sont associés à un risque rythmique plus important.

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