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TROP DE SPORT PEUT-IL ÊTRE DANGEREUX POUR LE COEUR ?

TROP DE SPORT PEUT-IL ÊTRE DANGEREUX POUR LE COEUR ?

Un dossier Cardio&Sport. LE POINT SUR LA CONTROVERSE

SOMMAIRE SPORT ET COEUR

1 Quelle relation entre intensité de l’effort et réduction du risque de mortalité cardiovasculaire ?
Dr Jean-Michel Guy (centre de réadaptation cardiorespiratoire de la Loire,
Saint-Priest-en-Jarez)

2 « Montrez-nous les morts ! »
Pr François Carré (hôpital Pontchaillou, université Rennes 1, Inserm U1099)

3 Espérance de vie des athlètes français d’élite : les leçons des JO et du Tour de France
Bernard Swynghedauw (directeur de recherche à l’Inserm, centre de recherche
cardiovasculaire Inserm (U689), hôpital Lariboisière, Paris)

 

INTRODUCTION

L’idée que trop de sport puisse être délétère pour le coeur est actuellement débattue. La question posée est majeure, car dans une société “moderne” submergée par l’inactivité physique et la sédentarité, il serait gravissime de véhiculer un message accrocheur médiatiquement, mais potentiellement dévastateur sur le plan sanitaire. Le dossier qui vous est proposé essaie de faire le point sur cette hypothèse, parfois malheureusement trop rapidement affirmée.
Pr François Carré (Hôpital Pontchaillou, Rennes)

 

MOTS-CLÉS : Activité physique, Prévention primaire, Prévention secondaire, Inactivité physique, Sédentarité, Exercice, Espérance de vie, Coeur d’athlète, Jeux olympiques, Tour de France, Dopage

1. Quelle relation entre intensité de l’effort et réduction du risque de mortalité cardiovasculaire ?

Analyse d’article Dr Jean-Michel Guy

Les bénéfices de l’activité physique (AP) sont clairement ancrés dans les stratégies de prévention cardiovasculaire primaire et secondaire. Cependant, la relation entre l’intensité de l’exercice et la réduction du risque de morbimortalité cardiovasculaire a récemment été le thème de controverses à travers plusieurs publications. L’article d’Eijsvogels et al. reprend ces études et passe en revue les données publiées (1).

PRÉVENTION PRIMAIRE

Les premières études de Morris en 1952 ont immédiatement mis en avant l’impact de l’AP, même au travail, sur la santé cardiovasculaire. Il ne s’agit cependant que d’études observationnelles et non randomisées. C’est probablement par l’intermédiaire d’un meilleur contrôle des différents risques cardiovasculaires (pression artérielle, métabolismes glucidique et lipidique, poids et inflammation) que l’AP apporte ces résultats. En termes de “dose”, la plus petite AP reste utile par rapport à l’inactivité, puisque le temps passé “debout” est déjà discriminant (> 2 heures par jour diminuent de 10 % la mortalité toutes causes confondues). Les recommandations de 2008 avaient déjà inclus cette notion d’intensité de l’exercice hebdomadaire pratiquée pour un adulte avant 65 ans : 5 x 30 minutes d’AP modérée sans essoufflement majeur ou 3 x 25 minutes d’activité plus intense ou un mix des deux. Dans certaines études, l’unité de quantification de l’activité est définie par le MET-heure/ semaine évaluant à la fois l’intensité, la durée et la fréquence de l’AP. Pour Wen et al., la valeur de 41 METheure/ semaine est celle retenue pour bénéficier d’une prévention cardiovasculaire maximale (2), mais selon Arem et al., à partir du recueil de données asiatiques, américaines et européennes, une courbe en U se dessine avec une perte de bénéfice sanitaire au-delà d’un seuil (3) (Fig. 1). D’autres études montrent des résultats différents, et la controverse s’expliquerait par une méthodologie différente, mais surtout par la survenue d’événements cardiaques aigus lors de la pratique d’un exercice plus intense, liés en premier lieu à des pathologies cardiaques non dépistées. En résumé, toute activité, quel que soit son niveau d’intensité, reste plus bénéfique que l’inactivité physique. Si les activités sont intenses (essoufflement net), la réduction maximale du risque de mortalité toutes causes confondues s’obtient rapidement (11 MET-heure/semaine). Il faudra plus de temps d’exercice avec une pratique d’intensité modérée (essoufflement minime) pour obtenir le même bénéfice (Fig. 2).

PRÉVENTION SECONDAIRE

Une diminution de la mortalité cardiovasculaire et de toutes autres causes confondues est observée aussi bien chez les coronariens que chez les insuffisants cardiaques après 1 an de pratique d’AP modéré aérobie (30-60 minutes/jour) associée à un renforcement musculaire (1 à 2 fois/ semaine). En résumé (Fig. 3), les données extraites de quatre études permettent de proposer aux coronariens un programme d’AP en fonction de l’intensité de l’exercice et de sa répétition (4-7). Mais là aussi et dans toutes les études, et cette fois-ci sans controverse, un infléchissement de cet effet bénéfique est observé pour des seuils différents. Le bénéfice des programmes de réadaptation de type fractionné reste démontré, mais avec en contrepartie un risque d’accident plus élevé. Pour les insuffisants cardiaques, il est recommandé de ne pas dépasser 7 MET-heure/semaine pour conserver le meilleur rapport bénéfice-risque. Enfin, l’article résume les publications qui alimentent le thème de la dangerosité potentielle d’une pratique sportive excessive (?). Les modifications biologiques (troponine) signent sans aucun doute une fatigue cardiaque avec des lésions minimes, mais sans ischémie. Cette élévation obtenue suivant l’intensité et la durée de l’effort chez 50 % des sportifs est toujours asymptomatique, reste très transitoire et sans séquelle. Elle est pour certains une forme d’adaptation à l’exercice, mais pas un fait pathologique. De la même manière, après un effort de longue durée, on retrouve une baisse modérée de la fraction d’éjection du ventricule gauche avec une récupération complète constante en 48 heures au plus. Chez 12 à 50 % des sportifs, on retrouve de façon inconstante des lésions de fibrose myocardique sans certitude sur leur potentiel arythmogène et sur leur effet sur la survenue de mort subite. Observée surtout chez les seniors endurants avec une longue pratique derrière eux, l’hypothèse d’une contrainte mécanique répétée est retenue (plutôt qu’une cause ischémique), du fait de la localisation des foyers de fibrose (ventricule droit et septum) se rapprochant des constatations retrouvées dans le cadre de la cardiomyopathie hypertrophique. L’observation d’une fibrillation atriale met en évidence un paradoxe : en effet, si l’on sait que la pratique régulière d’une activité de loisir, même très prolongée, diminue le risque de développer une fibrillation atriale, inversement cette arythmie est quatre à cinq fois plus fréquente chez des vétérans endurants, essentiellement masculins, qui cumulent un très grand nombre d’heures d’entraînement et de compétition. Enfin, le développement de calcifications coronaires, voire d’athérosclérose, peut-il être attribué aux contraintes de l’entraînement ? Aucune réponse formelle n’est établie à ce jour, mais le mode de vie des athlètes, en dehors de la pratique sportive, y participe également, et des facteurs de risque cardiaques comme le tabac sont parfois négligés dans certaines études, rendant difficile une comparaison valable de groupes appariés.

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