
Quels effets sur le système cardiovasculaire ? Un article du Dr Stéphane Doutreleau.
L'altitude et les contraintes sur sur le système cardiovasculaire
Introduction
Plusieurs millions de personnes se rendent chaque année en altitude pour des loisirs ou pour travailler. Certaines populations habitent même de façon permanente à des altitudes très élevées, comme par exemple à la Rinconada, au Pérou, ville habitée la plus haute du monde (30 000 habitants vivent en permanence entre 5 100 et 5 400 m). L’environnement d’altitude a des effets significatifs sur le système cardiocirculatoire et, entre autres, sur la volémie, la pression artérielle (PA) et la fréquence cardiaque (FC). Pourtant, les données disponibles sur l’évolution de la PA lors d’une montée en altitude restent peu nombreuses, parfois même contradictoires, chez le sujet sain et a fortiori chez le sujet hypertendu. Plusieurs publications récentes apportent quelques éléments de réponse.
Dr Stéphane Doutreleau
PRESSION ARTÉRIELLE DU NORMOTENDU EN ALTITUDE
L’exposition à l’altitude s’accompagne obligatoirement de modifications physiologiques importantes, généralisées, surtout secondaires au stimulus hypoxique. Les rôles du froid et du stress sont toutefois probablement importants, surtout en matière de niveau de la PA, mais moins étudiés. L’importante stimulation sympathique secondaire à la stimulation des chémorécepteurs par l’hypoxie aiguë explique l’augmentation du débit cardiaque en augmentant la contractilité myocardique et la FC.
L’effet de l’altitude sur la PA systémique a toutefois toujours été considéré comme modeste par rapport à l’effet sur la circulation pulmonaire. Des mesures de la PA en altitude ont été faites par mesure ambulatoire (MAPA) chez dix sujets caucasiens sains, sportifs et jeunes (27 ans en moyenne, 30 % d’hommes), lors d’une montée progressive en 8 jours au camp de base de l’Everest (5 164 m, profil d’ascension résumé dans la figure 1) (1). Quatre enregistrements ont été réalisés. L’évolution des moyennes des PA brachiale et centrale de repos est montrée sur la figure 1. Il existe globalement une augmentation significative de la PA, en moyenne de 10 mmHg pour la PA systolique (PAS) comme pour la PA diastolique (PAD), uniquement visible à l’étape 3 (4 350 m, 5e jour) et plafonnant à l’étape 4 (48 h après). L’évolution à plus long terme n’a pas été étudiée dans cette série, alors que s’installe chez le sujet acclimaté une hypovolémie.
Dans cette étude, l’amplitude de variation de la PA n’était corrélée ni à la saturation en oxygène ni aux symptômes (score de Lake Louise), ce qui peut laisser supposer qu’il s’agit d’une évolution “classique”, normale et obligatoire, même si une autre étude (2) suggère une réponse plus importante de la PA chez les sujets souffrant de mal des montagnes. L’évolution de la PA à altitude constante à l’arrivée au camp de base de l’Everest et après 12 jours d’acclimatation a aussi été étudiée (3). Les 25 sujets sains normotendus étudiés étaient un peu plus âgés (39 ans en moyenne, 72 % d’hommes). Encore une fois, la montée au camp de base (en 5 jours de 3 400 à 5 400 m) s’accompagne d’une augmentation significative de la PA de repos, mais aussi de tous les paramètres de la MAPA (jour/nuit/moyenne sur les 24 h) d’environ 10-15mmHg pour la PAS comme pour la PAD, mais, chose importante, sans modification après 12 jours à altitude constante.
La réponse pressive semblait plus importante chez les sujets de plus de 50 ans (24 mmHg versus 15 mmHg pour la PAS des 24 h) par rapport aux sujets plus jeunes. L’âge induisant des modifications de la rigidité artérielle, de la fonction rénale et du baroréflexe, l’effet de l’hypoxie est peut-être supérieur dans cette population (4). Cette évolution montre bien que plus que la valeur absolue d’altitude, ce sont les variations d’altitude et donc la stimulation sympathique supplémentaire, qui expliquent les modifications de pression artérielle. D’ailleurs, les concentrations plasmatiques de noradrénaline augmentent parallèlement à l’élévation de la PA, alors que le système rénine-angiotensine- -aldostérone (SRAA) est moins stimulé (3).
Ce mécanisme explique probablement qu’un traitement par un sartan à la posologie 80 mg, inhibiteur du SRAA, n’a que peu d’effet sur la réponse pressive d’altitude chez les sujets sains (3), en tout cas au-delà de 3 400 m, alors que les bêtabloquants atténuent partiellement la réponse pressive (5).
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