
Physiologique ou pathologique ? Un article du Dr Stéphane Cade
Se retrouver face à un ventricule gauche (VG) de sportif paraissant modérément hypokinétique n’est pas une situation rare, d’autant plus s’il s’agit d’un sportif endurant, de haut niveau d’entraînement et qui plus est bradycarde. Il faut alors se poser légitimement la question de la frontière entre physiologique et pathologique afin d’adopter une conduite à tenir cohérente. Comme souvent, nous parlerons plutôt de “coeur d’athlète”, car pour entraîner des modifications physiologiques adaptatives significatives telles qu’une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) avec des valeurs subnormales, il faut pratiquer une activité sportive soutenue tant en intensité qu’en durée (1) (entraînement régulier de plus de 6-8 h/ semaine à plus de 60 % du VO2 max depuis au moins 6 mois, le plus souvent en compétition et dans un but de performance).
Dr Stéphane Cade
NORMES ACTUELLES ET ZONE GRISE
La FEVG est toujours difficile à apprécier, surtout dans les zones intermédiaires situées entre 45 et 50 %. Les méthodes de calcul à notre disposition sont nombreuses, variées et très opérateur-dépendantes. La méthode Simpson biplan reste la référence, mais nombre d’autres méthodes sont utilisables comme l’impression visuelle qui reste fiable chez un opérateur expérimenté. Il est déjà difficile de définir une normalité de FEVG qui, dans les dernières recommandations, s’étend de 52 à 72 % (2). Cette analyse reste indissociable de celle des diamètres du VG qui, compte tenu des gabarits de certains sportifs, seront au mieux indexés à la surface corporelle (SC) avec des valeurs normales et acceptables chez l’athlète adolescent, homme et femme fixés respectivement à 29-30, 31-32 et 32-33 mm/m² de surface corporelle.
La FEVG au repos chez le sportif est le plus souvent normale (3, 4). Cependant, il n’est pas rare de constater une dilatation cavitaire généralement harmonieuse touchant les quatre cavités plus ou moins associée à une fonction systolique VG subnormale. Sur des travaux maintenant un peu anciens, Pellicia retrouvait chez 15 % des athlètes une augmentation conséquente de la taille de leur VG avec un diamètre télédiastolique VG > 70 mm chez les hommes et 66 mm chez les femmes (5, 6) avec des FEVG retrouvées basses jusqu’à 45 %. Dans une série de 156 footballeurs professionnels, près de 40 % avaient une FEVG au repos limite entre 50 et 55 % (7). Dans une autre étude portant sur 147 cyclistes participant au Tour de France, 17 d’entre eux, soit 11,6 %, avaient une FEVG < 52 % (8).
Une revue de la littérature (9) rappelant les spécificités du coeur d’athlète souligne cette notion et retient comme valeur normale et acceptée chez l’athlète asymptomatique une FEVG > 48 contre 55 % chez le non athlète, en insistant sur l’importance de réaliser une exploration multimodalité réservant une place de plus en plus importante à l’imagerie par résonance magnétique (Tab. 1).
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