
Un diagnostic difficile ! Un article cœur et sport de la revue Cardio&Sport.
La circulation collatérale coronaire se définit comme la présence de petits vaisseaux reliant deux artères coronaires (ou deux segments de la même artère) principales. Le développement fonctionnel de ce réseau se fait progressivement, au prorata de l’évolution de la maladie coronaire. Lors d’une occlusion aiguë ou chronique, la présence plus ou moins importante d’une collatéralité compense l’ischémie myocardique éventuelle, améliore les symptômes et la mortalité du patient (1, 2), quelle que soit la revascularisation envisagée ensuite. La mortalité à long terme peut ainsi être réduite de 25 % s’il existe une collatéralité recrutable.
Dr Jean-Michel Guy
INTRODUCTION
La présence d’une collatéralité est en grande partie génétique, mais le développement fonctionnel de ce réseau ne se ferait qu’au prorata de l’évolution progressive d’une sténose artérielle. Le diabète n’aurait pas d’incidence sur le développement des collatérales, alors que l’hypertension le favoriserait et l’hypercholestérolémie le limiterait. Enfin, certains auteurs ont mis en évidence une relation entre la présence d’une collatéralité coronaire, la longueur des télomères (analysés au niveau des leucocytes) – marqueurs de la longévité cellulaire et donc de l’organisme en général – et le niveau de CRP (3).
En prévention primaire, rien n’est démontré pour affirmer que l’entraînement physique permet le développement des artères collatérales chez l’Homme. En revanche, 20 % des coronariens stables auraient une circulation collatérale bien développée, et, en prévention secondaire ou lorsque des lésions sont déjà présentes, l’activité physique (4-6) et le reconditionnement jouent un rôle primordial dans l’ouverture de la collatéralité grâce à leurs effets sur la baisse de la fréquence cardiaque et sur la fonction endothéliale (7).
La mise en évidence d’un réseau de circulation de suppléance reste encore très difficile avec les moyens actuels d’exploration. Sa présence et sa quantification reposent sur la classification de Rentrop (8) lors d’un examen angiographique. Mais les renseignements fournis restent très approximatifs avec des données principalement anatomiques et sans information sur la qualité fonctionnelle du réseau. D’autres méthodes invasives mesurant l’indice de débit collatéral pourraient être les techniques de référence, mais uniquement dans le cadre d’un protocole de recherche et malheureusement impossible à faire dans un bilan classique au quotidien. Les épreuves d’effort que nous réalisons chez les sujets sportifs asymptomatiques présentant des facteurs de risque cardiovasculaires offrent hélas encore une faible sensibilité de dépistage de la maladie coronaire. Audelà de la rupture de plaque toujours peu prévisible conduisant à un syndrome coronarien aigu, les patients porteurs de lésions pluritronculaires mais avec une excellente collatéralité font sans doute partie des sujets mal dépistés. Ces deux cas cliniques l’illustrent.
CAS CLINIQUE N° 1
En 2006, M. C. B., âgé de 59 ans, consulte dans le cadre d’un projet sportif. C’est un cyclotouriste confirmé. Il a déjà participé en 2003 à la course Paris-Brest-Paris (1 230 km), mais a dû abandonner. Il s’entraîne très régulièrement, réalisant près de 8 000 km de vélo par an, et souhaite s’inscrire au départ de l’édition 2007. Il n’a pas de facteur de risque cardiovasculaire en dehors de son âge. Son examen physique est normal ainsi que son bilan biologique. L’épreuve d’effort est maximale à 320 watts (15,6 MET) et la fréquence cardiaque maximale atteint 172 bpm. Aucun signe électrique n’est détecté. Il réalise son projet en 83 h 48. En 2010, à 63 ans, dans le cadre d’une nouvelle surveillance, le test est cette fois-ci arrêté à 319 watts (15,1 MET) avec une fréquence cardiaque maximale de 187 bpm. L’apparition d’un sousdécalage “litigieux” fait demander une scintigraphie d’effort qui conclut à l’absence d’anomalie de perfusion pour une charge un peu plus faible. Le bilan échographique de repos est normal : diamètre télédiastolique du ventricule gauche 57 mm, fraction d’éjection 70 %, 2D-Strain -18 % IM grade I IA minime, rapport E/A 0,8 pour le remplissage mitral. Totalement asymptomatique, il poursuit donc son entraînement régulièrement, et participera comme il se doit à l’édition 2011 du Paris-Brest-Paris (88 heures 25). À partir de 2011, il diminue l’entraînement vélo, il ne réalise plus que 3 000 km/an. En février 2014, une nécrose inférolatérale, thrombolysée, survient. Le bilan coronarographique retrouve une sténose serrée de l’artère interventriculaire antérieure et de la bifurcation diagonale réinjectée, une occlusion chronique de la coronaire droite et un thrombus dans la circonflexe. La fraction d’éjection est de 49 %. Le patient est revascularisé par quatre pontages. Il a, bien sûr, repris le vélo d’une façon raisonnable… et réalise 240 watts (11,4 MET), VO2 max 39 ml/kg/min, lors de l’épreuve d’effort en 2015.
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