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Activité physique et réseau artériel

Activité physique et réseau artériel

Quel retentissement ? Dr Laurent Chevalier

Quelles sont les conséquences d’une activité physique soutenue (APS) sur le réseau artériel ? Conséquences anatomiques ? Fonctionnelles ? Des territoires sont-ils davantage concernés que d’autres ? À partir de quelle charge d’entraînement ? Pour quel type d’activité ? Nous allons essayer d’apporter des réponses à ces questions.

De nombreux travaux ont été consacrés ces 20 dernières années aux conséquences d’une activité physique ou sportive sur les différents segments du réseau artériel. En termes anatomiques, les travaux se sont focalisés sur deux questions :

• Les activités d’endurance et les activités de résistance induisent-elles des modifications différentes sur la structure même de l’artère ?

• Les territoires anatomiques concernés par ces modifications sont-ils différents ? D’autres travaux, plus physiologiques, se sont attachés à essayer de déterminer les modifications engendrées par l’APS au niveau des sécrétions de substances vasodilatatrices, vasoconstrictrices, pro ou anti-agrégantes, pro ou anti-athérogènes. Enfin, l’aorte a bénéficié de travaux dédiés grandement facilités par l’avènement de l’imagerie “facile”, comportant échographie, scanner et IRM.

LES ARTÈRES PÉRIPHÉRIQUES MODIFICATIONS ANATOMIQUES

Les travaux dédiés au retentissement de l’APS sur les diamètres vasculaires ont été nombreux ces dernières années. Et la plupart d’entre eux ont cherché à déterminer si le retentissement pouvait être différent en fonction du type d’exercice, qu’il soit à forte prédominance d’endurance, de résistance ou à caractère mixte.
Les résultats peuvent laisser un peu perplexes. En effet, concernant les sports de résistance et les activités mixtes, les données sont plutôt hétérogènes, la plupart d’entre elles n’objectivant cependant qu’un retentissement minime ou nul, quelles que soient l’intensité et l’ancienneté de la pratique. Pour ce qui est des activités d’endurance, quasiment toutes les études retrouvent une augmentation des diamètres artériels périphériques, mais les territoires concernés ne sont pas toujours identiques. Avec des diamètres pouvant être multipliés par six, l’artère dilatée le plus significativement semble cependant être la fémorale (1-3). Alors que le débit cérébral reste plutôt stable à l’effort, la carotide semble également voir son diamètre augmenter légèrement (2-4) pendant que l’artère brachiale présente des résultats plus contradictoires au gré des publications (5-7). Ces modifications apparaissent rapidement, après seulement 2 semaines d’APS soutenue (6), l’augmentation devenant franche à partir de 3 mois de pratique (5). La très récente méta-analyse de Early (8) souligne la corrélation entre intensité de l’effort et/ou nombre d’heures d’activité physique hebdomadaires d’une part et gain de diamètre artériel d’autre part. Il semble par ailleurs d’après certains auteurs (9) que les pourcentages d’augmentation soient plus importants chez les femmes non ménopausées que chez les hommes, probablement du fait de l’action des oestrogènes sur la sécrétion du monoxyde d’azote (NO).

MODIFICATIONS FONCTIONNELLES
Beaucoup plus passionnants, les travaux consacrés au retentissement fonctionnel de l’activité physique sur le réseau artériel se sont multipliés au cours de la dernière décennie. Si tous les mécanismes sont loin d’être élucidés, le cumul d’informations mises à jour permet déjà d’apprédes différents facteurs de risque, potentiellement confondants, chez le sujet actif physiquement.

L’AORTE

Deux méta-analyses regroupent l’essentiel des travaux dédiés à la question. Tout d’abord, ces dernières ont permis de proposer des “normes” pour les hommes et les femmes, valeurs modulées par l’âge du sujet, même si ces chiffres ne sont bien sûr que des moyennes. Chez la femme 34 mm et chez l’homme 40 mm semblent être des valeurs au-delà desquelles la seule responsabilité du sport ne peut être invoquée (23, 24). Il semble que les activités en résistance (haltérophilie, arts martiaux, windsurf) génèrent des augmentations de diamètre supérieures à ce que peuvent induire les activités d’“endurance” (course à pied et natation longue distance, football, basket), même si on ne retrouve une vraie dilatation que chez 1 % des adeptes de la “résistance” (24). Néanmoins, toutes ces séries souffrent d’une faiblesse méthodologique assez patente en ce qui concerne la quantification précise de l’effort cumulé au fil des années, tant qualitative que quantitative.

Les dernières recommandations américaines, qui laissent une place importante au Z-score (Encadré 1), paraissent pourtant relativement sévères vis-à-vis de ces patients, notamment les porteurs de bicuspidie (au-delà de 42 mm et Z-score au-dessus de 3,5 : pas de compétition pour les sports de classe III (ex. de la classification de Mitchell) ; au-delà de 45 mm : aucune compétition, quel que soit le sport). En effet, au vu de la prévalence de cette anomalie génétique (0,5 à 1,5 % de la population, concernant donc 400 000 à 950 000 Français) d’une part et du nombre de décès par dissection aortique dans les registres autopsiques dédiés à la mort subite du sportif publiés récemment (< 10 décès/an) d’autre part, la question d’un excès de précaution devra être abordée, d’autant que deux travaux récents (25, 26) n’ont pas objectivé un retentissement évident de la poursuite de la pratique sportive sur l’évolution des diamètres de l’aorte ascendante chez ces patients porteurs d’une bicuspidie.

ENCADRÉ 1 - RECOMMANDATIONS DE L’AHA 2015.

CONCLUSION

La pratique d’une activité physique régulière et soutenue induit donc un remodelage anatomique et fonctionnel qui améliore la vasodilatation, l’oxygénation des tissus, les mécanismes antioxydants et semble ralentir les phénomènes athéromateux. Ici réside fort probablement en grande partie l’effet bénéfique du sport sur l’incidence des accidents vasculaires. Ces modifications semblent cependant beaucoup plus marquées pour les activités à forte composante endurance. Dans le cas de l’aorte, ce sont au contraire les sports à forte composante résistance qui semblent à l’origine d’une modeste dilatation additionnelle du tube artériel.

 

MOTS-CLÉS
Artères périphériques, Artères coronaires, Aorte, Remodelage, Circulation, Réseau artériel, Activité physique soutenue, Vasodilatation.

BIBLIOGRAPHIE

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