
Un article du Dr Benoît Doyen pour la revue Cardio&Sport.
Il est maintenant clairement établi que l’entraînement extrême de certains athlètes de haut niveau d’endurance, tels que les cyclistes, les triathlètes et les marathoniens, n’est pas sans conséquence au niveau cardiaque. Notamment du point de vue rythmique, ceux-ci sont plus enclins à développer une bradycardie sinusale par rapport à une population de personnes non entraînées.
INTRODUCTION
Dans la population générale, la bradycardie est définie comme une fréquence cardiaque de repos en dessous de 60 battements par minute (bpm), alors que chez les sportifs, certains auteurs s’accordent pour abaisser le seuil à 50 bpm (Fig. 1) (1). Cette bradycardie sinusale, retrouvée chez 80 % des athlètes endurants, est la plupart du temps asymptomatique et de découverte fortuite (2). Si on compare ces deux types de populations, on s’aperçoit que l’entraînement intensif induit un ralentissement de la fréquence cardiaque moyenne de repos (Fig. 2) (3).
La prise en charge d’une bradycardie chez un athlète peut cependant poser question, d’autant plus que les mécanismes sous-jacents ne sont actuellement toujours pas clairement élucidés. Les récentes avancées des équipes anglaises ont relancé le débat sur les étiologies de ces bradycardies qui, de façon certaine, sont d’origine multifactorielle.
Pour pouvoir appréhender au mieux les mécanismes responsables de ce phénomène, il convient de faire un rappel sur les principaux déterminants de la fréquence cardiaque. Il en existe principalement trois :
1. Les cellules pacemakers du noeud sinusal : ces cellules sont situées dans le toit de l’oreillette droite et sont capables d’automatisme en délivrant des potentiels d’actions de manière cyclique. Leur fréquence intrinsèque se situe aux alentours de 100 à 120 bpm. Le potentiel d’action (Fig. 3) se distingue de celui des cellules myocardiques contractiles, notamment par la présence en phase 4 d’une pente de dépolarisation diastolique spontanée qui sera l’élément clé de la fréquence cardiaque. Ce sont les canaux If (perméables au sodium et au potassium) qui sont les principaux responsables de cette dépolarisation spontanée. Les caractéristiques d’ouverture de ces canaux dépendent beaucoup des deux branches du système nerveux autonome, parasympathique et (ortho) sympathique.
2. Le système nerveux parasympathique est représenté au niveau cardiaque par le nerf vague. La liaison de l’acétylcholine sur les récepteurs muscariniques a pour conséquence une diminution de l’AMP intracellulaire et donc une diminution du recrutement des canaux If, menant à une augmentation du temps de dépolarisation diastolique et donc une diminution de la fréquence cardiaque.
3. Le système nerveux orthosympathique, via les catécholamines, a l’effet inverse, avec une diminution du temps de dépolarisation diastolique qui se conclut par une accélération de la fréquence cardiaque.