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Cœur d’athlète ou cardiomyopathie droite

Cœur d’athlète ou cardiomyopathie droite

Comment savoir ? Un article du Dr Stéphane Doutreleau. Revue Cardio&Sport N°46.

La pratique régulière d’une activité sportive intense remodèle toutes les cavités cardiaques.

Chez certains sportifs, pratiquant surtout des sports d’endurance, les modifications structurelles et fonctionnelles observées peuvent poser des problèmes diagnostiques avec des pathologies cardiaques (1). C’est particulièrement vrai pour le ventricule droit (2) qui, plus encore que le ventricule gauche, est soumis à un stress pariétal important à l’effort (3).
Dr Stéphane Doutreleau

LES MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES ET FONCTIONNELLES DU VENTRICULE DROIT

Les modifications morphologiques et fonctionnelles du ventricule droit de l’athlète sont de mieux en mieux décrites, parallèlement au développement des techniques d’imagerie. On peut ainsi observer :
• Une dilatation du ventricule droit visible et quantifiable en échographie et en IRM, dans toutes les incidences, avec une augmentation des diamètres (en parasternal petit axe et en apical quatre cavités), des surfaces télédiastoliques et télésystoliques en quatre cavités, et des volumes (4-7). Ces modifications dépassent les critères morphologiques limites majeurs de la maladie arythmogène du VD (MAVD) chez 40 à 50 % des athlètes (8). Paradoxalement, à la différence du ventricule gauche (VG), les modifications du ventricule droit (VD) ne semblent pas plus marquées chez les athlètes africains (7).
• Les indices classiques de fonction systolique du ventricule droit (fraction de raccourcissement en surface, excursion systolique de l’anneau tricuspide ou vitesse de l’onde S tricuspide en Doppler tissulaire) ne sont en général pas modifiés (4-6, 9).
• Il n’y a pas d’anomalie de la contractilité segmentaire.
• Les études de la déformation myocardique des parois du VD sont plus récentes et les constatations plus hétérogènes : le strain longitudinal de la paroi libre du VD en quatre cavités est généralement rapporté dans la littérature comme normal (4) ou diminué (9) chez les sportifs d’endurance ; le strain se normalise à l’effort chez l’athlète, mais les données sont limitées (9).
• Ces modifications ne sont pas isolées et s’ajoutent à d’autres modifications liées à la pratique du sport :
– Dilatation associée obligatoire des autres cavités : le VG, mais aussi les oreillettes .
– Des particularités possibles du tracé ECG de repos .
– Un haut niveau de performance aérobie.

DOUTES DIAGNOSTIQUES

Ces modifications morphologiques posent moins de problèmes diagnostiques chez un athlète asymptomatique. En revanche, il peut y avoir un doute dans plusieurs situations :
• athlète symptomatique (surtout palpitations et/ou malaises, voire syncopes) ;
• anomalies de la repolarisation dans les précordiales droites ;
• modifications morphologiques ou fonctionnelles très importantes du VD ;
• histoire familiale de MAVD.

ADAPTATION OU PATHOLOGIE ?

Les données de la littérature sont encore peu nombreuses et comme pour d’autres particularités du coeur d’athlète, c’est un faisceau d’arguments qui permet plus de s’orienter vers une adaptation physiologique ou une pathologie débutante. Dans ces cas, il faudra s’aider d’explorations complémentaires :
• IRM cardiaque avec injection de gadolinium ;
• Holter ECG au repos et si possible lors d’un entraînement ;
• ECG haute-amplification ;
• Échographie d’effort ;
• Étude génétique dans certains cas.
Dans une étude récente comparant des athlètes avec ondes T négatives dans les précordiales droites et des sujets ayant une MAVD (10), certaines anomalies plaident plus pour une atteinte myocardique anormale : des ondes Q dans les précordiales droites, les anomalies de la contractilité segmentaire du VD en échographie ou à l’IRM, une FE du VD < 45 % à l’IRM, des ESV nombreuses (> 1 000/24 h) et une faible réponse tensionnelle à l’effort.

BIBLIOGRAPHIE

1. Sharma S, Merghani A, Mont L. Exercise and the heart: the good, the bad, and the ugly. Eur Heart J 2015 ; 36 : 1445-53.
2. La Gerche A, Burns AT, Mooney DJ et al. Exercise-induced right ventricular dysfunction and structural remodelling in endurance athletes. Eur Heart J 2012 ; 33 : 998-1006.
3. La Gerche A, Heidbuchel H, Burns AT et al. Disproportionate exercise load and remodeling of the athlete’s right ventricle. Med Sci Sports Exerc 2011 ; 43 : 974-81.
4. Oxborough D, Sharma S, Shave R et al. The right ventricle of the endurance athlete: the relationship between morphology and deformation. J Am Soc Echocardiogr 2012 ; 25 : 263‑71.
5. D’Andrea A, Riegler L, Morra S et al. Right ventricular morphology and function in top-level athletes: a three-dimensional echocardiographic study. J Am Soc Echocardiogr 2012 ; 25 : 1268-76.
6. D’Andrea A, Riegler L, Golia E et al. Range of right heart measurements in top-level athletes: the training impact. Int J Cardiol 2013 ; 164 : 48-57.
7. Zaidi A, Ghani S, Sharma R et al. Physiological right ventricular adaptation in elite athletes of African and Afro-Caribbean origin. Circulation 2013 ; 127 : 1783-92.
8. Marcus FI, McKenna WJ, Sherrill D et al. Diagnosis of arrhythmogenic right ventricular cardiomyopathy/dysplasia: proposed modification of the Task Force Criteria. Eur Heart J 2010 ; 31 : 806-14.
9. La Gerche A, Burns AT, D’Hooge J et al. Exercise strain rate imaging demonstrates normal right ventricular contractile reserve and clarifies ambiguous resting measures in endurance athletes. J Am Soc Echocardiogr 2012 ; 25 : 253-62 e251.
10. Zaidi A, Sheikh N, Jongman JK et al. Clinical differentiation between physiological remodeling and arrhythmogenic right ventricular cardiomyopathy in athletes with marked electrocardiographic repolarization anomalies. J Am Coll Cardiol 2015 ; 65 : 2702-11.

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